Jeudi 15 mars, le personnel des EHPAD (établissements d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes) poursuit leur mouvement de grève, débuté en février dernier, afin de réclamer davantage de moyens humains et financiers permettant de garantir aux pensionnaires des conditions de vie dignes.
Le malaise que rencontre aujourd’hui les EHPAD est encore plus profond que l’absence de moyens, c’est en réalité une véritable crise de notre société ; celle-ci ne s’est pas adaptée pour s’occuper dignement des quelques 2 millions de personnes âgées dépendantes. Pourtant, le défi est majeur puisque d’ici 2060, les plus de 85 ans seront 4 fois plus nombreux.
Il est donc nécessaire de repenser complètement notre système d’accompagnement de la vieillesse pour adapter notre société au grand âge.
En tant qu’ancien Président de l’UNCCAS (Union Nationale des Centres Communaux d’Action Sociale), mais aussi en tant qu’élu particulièrement engagé sur les politiques d’action sociale, je ne peux me satisfaire de la réponse qu’apporte aujourd’hui Mme Agnès BUZIN. Non Mme la Ministre, les difficultés rencontrées par les EHPAD ne sont pas un problème de management !
Affirmer cela c’est méconnaître complètement la réalité des conditions de travail du personnel médico-social dans nos établissements.
Depuis 2005, différents rapports indiquent que le secteur des personnes âgées est sous doté de moitié par rapport à nos voisins européens : la première urgence est donc d’enrayer ce phénomène en se fixant comme objectif le ratio d’un soignant pour un résident (comme de nombreux pays européens) quand aujourd’hui les chiffres indiquent un ratio de 0,57 soignant pour un résident. Dans un premier temps, les décisions doivent améliorer les conditions de travail du personnel mais aussi les conditions d’accueil des résidents.
Or, la limitation drastique des contrats aidés est venue aggraver une situation déjà précaire ; aujourd’hui les établissements les plus en difficultés doivent être exonérés de ces mesures comptables de restriction.
Mais il faut aller encore plus loin et proposer une politique en faveur des personnes âgées qui soit pérenne et efficace. Pour cela, il est nécessaire de casser la représentation négative du vieillissement, qui ne peut se résumer à une question de coût pour la société.
La loi de 2015, relative à l’adaptation de la Société au vieillissement, initiée sous le quinquennat précédent va dans le bon sens mais aujourd’hui force est de constater qu’il faut amplifier la réponse.
Plusieurs pistes de travail doivent être étudiées avec les professionnels de santé et d’action sociale, avec les directeurs d’établissement, avec les partenaires sociaux, et plus globalement avec l’ensemble des citoyens. En voici quelques unes :
>> La création d’un 5ème risque de sécurité sociale
Il doit permettre une prise charge commune de la dépendance et du handicap. Il est en effet indispensable de mieux accompagner les personnes en situation de handicap tout au long de leur vie, par delà la barrière de l’âge. En créant une prestation d’autonomie universelle, on modifiera complètement le regard que portent les pouvoirs publics et notre société sur le handicap et le vieillissement. Nos concitoyens sont aujourd’hui capables de relever ce défi, en assumant les efforts contributifs nécessaires.
>> Une meilleure reconnaissance du statut des aidants
Bien que la reconnaissance du droit au répit pour les aidants familiaux a été une véritable avancée dans ce domaine, il semble nécessaire de l’améliorer. En effet, si l’une des réponses à la crise rencontrée dans les EHPAD est le maintien à domicile des personnes âgées, celui-ci doit se faire dans les meilleures conditions. On doit donc donner aux proches aidants les moyens de s’occuper de leurs parents, en renforçant leur statut.
>> Création d’un service civique sénior
Cette mesure participe pleinement au changement de regard que l’on porte sur le vieillissement de la population.
Pendant du service civique dédié aux jeunes, avec des missions spécifiques, cette mesure prend en compte les attentes des personnes âgées qui souhaitent être utiles à la société, utiles pour les autres.
Il peut intervenir à travers différents domaines : soutien scolaire, lutte contre l’isolement, transmission de savoir-faire, humanitaire, santé. Les personnes âgées trouvent ainsi un dispositif par lequel ils peuvent mettre à disposition leurs compétences au service de ceux qui en ont besoin.
Ces axes de travail ne sont en rien exhaustifs, ils doivent permettre d’alimenter un débat parlementaire que je souhaite riche et approfondi.
En tant que Sénateur et Président du Groupe socialiste et républicain, j’attends que soit présenté un projet de loi qui prend en compte la question du vieillissement dans sa globalité et qui modifie profondément notre système d’accompagnement.
Mme Buzyn, soyons à la hauteur de l’enjeu, celui d’une société bienveillante !
Leave A Reply