Ma réponse à la tribune de Luc Ferry dans le Figaro du 8 septembre 2016 (voir image ci-dessous) :
Cher Luc Ferry,
Dans l’un de vos ouvrages, vous aviez la noble ambition de donner à la jeunesse quelques clés philosophiques pour « apprendre à vivre ». Avec la tribune publiée hier dans ces colonnes, je crois que vous oubliez un concept essentiel : la politesse. La politesse qui est le contraire de l’égoïsme, qui est ouverture et respect de l’autre. Vous avez ici cédé à la vulgarité, c’est-à-dire au fait de vouloir imposer vos goûts personnels comme les seuls légitimes. Cela donne un texte suffisant, méprisant, et souvent faux.
Vous admettez que vous ne comprenez rien « à l’enthousiasme que suscitent les retransmissions d’événements sportifs ». Pourquoi alors un jugement aussi définitif que violent concernant des millions de personnes à travers le monde ?
Ce spectacle n’est manifestement pas le vôtre. Dont acte, mais il est grotesque et caricatural d’opposer ainsi culture et sport, activités de l’esprit et du corps. Je peux vous assurer qu’un grand amateur d’opéra sait apprécier le sport de haut-niveau et mesure l’utilité de la pratique sportive amateure.
Tout le monde en prend pour son grade ! Les amateurs transformés en ivrognes patentés, les sportifs, nécessairement demeurés – encore qu’on voit mal pourquoi il faudrait leur reprocher vouloir « faire mieux la prochaine fois » – les journalistes, hystériques.
Tous les sportifs ne sont pas des exemples de moralité. Ceci dit, la conduite des artistes n’est pas toujours irréprochable non plus, or vous les citez avec une présomption d’innocence dont on ne sait si elle est naïve ou coupable. Pourquoi vouloir hiérarchiser les uns et les autres ?
Je vous invite à descendre de votre piédestal et à abandonner cette posture qui confine au mépris de classe, pour aller voir précisément ce qui se passe dans les stades et sur les terrains. Je vous invite à prendre au sérieux la joie éprouvée par les supporters, le plaisir de se retrouver pour un moment commun, un moment qui peut être beau. Oui, beau. Les sportifs en sont capables.
Ces sportifs que vous décriez sont aussi capables d’engagements honorables et d’un sens aigu de la citoyenneté. Descendez, et vous verrez comment nombreux sont ceux qui s’impliquent dans leurs quartiers, ou plus globalement pour des causes de progrès.
Enfin, cher Luc Ferry, je ne suis pas philosophe, mais j’ai passé ma vie à me battre pour une conception de la justice fondée sur l’égalité et je ne comprends pas votre tentative de démonstration d’un sport fondamentalement et irrémédiablement inégalitaire.
Là encore, c’est voir les choses de très haut que de penser que les dons de la nature expliquent à eux seuls les classements. Comme s’il suffisait de peser et de mesurer les athlètes pour connaître le résultat. Le travail, l’abnégation, l’intelligence, la force de caractère sont absolument décisifs. Ce sont des personnes qui, chaque jour, s’entrainent durement et font cet effort admirable de perfectionnement de soi. Regardez les Jeux Paralympiques qui se déroulent en ce moment-même à Rio, et dites-moi sincèrement si vous trouvez que la nature explique à elle seule la performance.
Si la société – je n’ose évoquer l’école dont vous avez eu la charge un temps – savait placer tous les individus sur une même ligne de départ, et ne les distinguer que sur leur mérite, sans prétendre avoir atteint un idéal de la justice, nous aurions sans doute progressé.
A propos de progrès d’ailleurs, je considère que celui d’une civilisation est aussi de vivre de manière toujours plus pacifiée et fraternelle. Si les sportifs y apportent modestement leur contribution, alors sachons leur en être reconnaissants. Ils ne sont ni Bach, ni Einstein. Vous ne l’êtes pas, et je ne le suis pas non plus.
Comment
Bravo pour cette tribune qui met les choses au point en réponse aux propos inconvenants de LF.
J’y ajoute mon propre grain de sel : http://www.or-et-hconseil.com/points-de-vue/sortie-de-route-et-carton-rouge-a-luc-ferry/
Respectueusement,
David Brunat